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Mateus Araujo Silva2

Chronique d'Anna Magdalena Bach, biographie esthétique du compositeur. Il s'agit de plusieurs scènes fixes où, outre quelques brèves interférences dialoguées, nous voyons uniquement des orchestres exécutant des concerts de Bach. Pour Straub, la seule manière de filmer la vie d'un musicien est de filmer sa musique, 'car sa musique est sa parole'. Après Bach, Straub a fini Othon, une obscure tragédie de Corneille filmée à Rome, dans une co-production italo-allemande. En couleurs, les acteurs récitent le texte intégral de la pièce, devant les décors romains antiques. D'une simplicité absolue de costumes et de mise en scène, le film vise, selon l'auteur, à 'éveiller, dans le public, l'amour de la langue merveilleuse de Corneille'. Dans Bach, on entendait sa musique ; dans Othon, nous entendons les vers de Corneille. La neutralité de l'image et le dynamisme du son sont les grandes contributions de Straub à l'ouverture de chemins pour le futur du cinéma"

(Revolução do cinema novo, p.223-4).

 

Après ces textes, les références suivantes de Rocha aux Straub resteront fort admiratives, mais renvoyant de moins en moins à des films particuliers, et de plus en plus à leur projet général de cinéma. Dans un entretien italien de 1973-74 à Cinzia Bellumori, après ce qu'on a rapporté comme une divergence lors d'une discussion à propos du cinéma latino-américain dans le Festival de Pesaro 197321, Rocha inclut Straub dans un groupe nombreux de cinéastes qui "essayent d'ouvrir les portes d'un autre monde au-delà de la répressive raison occidentale et de la mystique raison orientale, pour laisser parler l'homme libéré22". Dans un entretien à la revue italienne Filmcritica (n.256, août 1975), en dressant un bilan du cinéma révolutionnaire et marxiste, Rocha souligne l'importance des expériences du cinema novo brésilien, de Godard et de Straub (cf. Revolução do cinema novo, p.298). Un peu après, parlant de ses goûts comme spectateur, il dit que "le cinéma bourgeois et révisionniste ne m'intéresse plus. Je le trouve ennuyeux, laid, une chose monstrueuse. Les cinéastes qui m'intéressent (Straub, Godard, Jancso, Bertolucci, Amico et quelques tiers-mondistes) sont des visionnaires. Dans les films de Jancso, par exemple, chaque plan est une autre chose, n'a rien à voir avec le réalisme. Le même vaut pour Straub et Godard" (p.303). Dans un autre texte de la même année, il affirme que "à l'exception près des films de Godard (ceux de la période anarchique et ceux de la période marxiste), de Jean-Marie Straub et de Miklos Jancso, le discours cinématographique de la gauche révolutionnaire est encore réaliste critique, d'origine pré-joycienne ou théâtral-psychologique pré-brechtien, ou encore documentaire-formaliste (rhétorique) du phénomène" (Revolução do cinema novo, p.304).