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Mateus Araujo Silva2

Curieusement parus dans des revues hebdomadaires de Rio, non spécialisées et tournées vers un public large qui n'avait, à de rares exceptions près, aucune connaissance de Straub, ces deux textes caractérisent avec précision et soutiennent avec vigueur son projet de cinéma encore à ses débuts, appuyés sur la seule vision de ses premiers films, avant même la parution des premiers livres sur le cinéaste français.

 

L'article de 1968 présente Straub comme « le plus moderne de tous les cinéastes », celui qui incarnerait « le héros typique du cinéma moderne », avec les contradictions du « génie sans soutien financier18 ». Si la sureté de ses jugements a pu bénéficier de quelques conversations avec Straub et des échanges avec cinéastes et critiques attentifs, notons qu'ils reposaient fondamentalement sur la vision de Non réconciliés, que Rocha avait déjà recommandé à son ami cubain Alfredo Guevara (directeur de l'ICAIC) dans une lettre de 3/11/1967 comme "un film politique, expérimental, très bon 19", et qui lui suffirait pour inclure Straub, à la fin d'un texte publié en 13/4/1968, dans « le quatuor des grands d'aujourd'hui » à côté de Pasolini, Godard et Bertolucci20. Signalant dans l'article de 30/3/1968 la controverse suscitée par le film, Rocha formule ensuite son adhésion en quelques lignes pénétrantes, où il saisit la confluence des dimensions esthétique et politique dans la démarche de Straub : 

 

 

"Son film Non-réconciliés (Nicht Versöhnt, 1965), adapté d’un roman de Heinrich Böll, un des plus célèbres écrivains allemands modernes, fut considéré par une partie de la critique comme une trahison de Böll et par une autre partie comme le film le plus important du cinéma moderne. Le plan intégral, chez Straub, atteint sa plénitude. Le film obéit à la technique d’un plan pour chaque action, ou une idée pour chaque plan. C’est une succession de plans directs, frontaux, en général fixes, unis par de rapides fondus au noir. Les dialogues sont dits froidement, sans adjectifs, comme un récitatif choral. Les acteurs bougent à peine. Le temps est libre, le film se déroule au présent et au passé. Il raccorde du passé au présent et vice-versa sans les artifices de Resnais ni les techniques classiques des flashbacksTout se passe dans le cadre.  Les dialogues, le texte, les bruits, la rare musique, agissent simultanément.