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Giorgio Passerone

Après un dernier arpège de célesta, la flûte et le hautbois tiennent, sur un accord pianissimo des cordes et de trois trombones en Ut majeur, le La d’une sixte ajoutée.

La voix d’alto féminine – l’étranger solitaire – se dissout dans l’éther. La plénitude de son dessaisissement capte maintenant des forces cosmiques. L’abîme de la désolation de la terre devient le vecteur excentrique, ardent, qui n’existe que dans ce suspens matériel sonore. Le mouvement du territoire perdu libère la sensation poignante d’un éternel recommencement, une solitude en commun. On reconquiert le natal déterritorialisé, et sans doute – on n’ose pas en dire plus –, la bien aimée, l’ami : « Je chemine vers mon pays, mon refuge. / Pour moi, plus jamais d’horizons lointains. / Calme est mon cœur et il attend son heure. / Partout, la Terre bien-aimée fleurit / au printemps et verdit de nouveau ! / Partout et éternellement l’horizon sera bleu ! / Ewig… Ewig… »

Nous ne sommes que des écrans noirs sans autorité, mais par là même des plaques sensibles, irréductibles au trou noir répulsif qui monte du dedans en fixant une fois pour toutes le sujet et la conscience dans le modèle immobile de la mort. Chacun la singularité d’une plaque ; nous ne pouvons pas, malgré tout, ne pas continuer à attirer et à réfléchir les mouvements vitaux, acentrés, anorganiques de la terre-matière-lumière. Et l’expérience de la mort qui arrive toujours du dehors y est enveloppée.

 

2. Voix territoriales. Le La suspendu « éternellement » de Mahler perce la séquence au noir qui a envahi les premières minutes du Genou d’Artémide, et se matérialise dans une oasis escarpée de la forêt de Buti, la Monument Valley des Straubs. J.-M. S. continue à apprivoiser leur territoire. Il trouve la justesse d’un nouveau point stratégique et fixe la caméra sur les deux interprètes : l’abstraction d’une seule perspective se concrétise dans les infimes variations atmosphériques de la végétation luxuriante, au fil des jours et des prises. Les gros plans, les plans de demi-ensemble et d’ensemble cadrent en légère contre-plongée Dario Marconcini/Endymion de dos, silhouette de profil assise sur roche, et Flavio Bacci/l’étranger passant, de face, arrondi à droite, se tenant débout, la main appuyée à un arbre.

« ‘Ascolta, passante. / Come a straniero posso dirti / queste cose. / Non spaventarti dei miei occhi di folle. / Vedi quel monte ? È il Latmo. / Io l’ho salito / tante volte nella notte, / quand’era più nero, / e ho atteso l’alba tra i suoi faggi. / Eppure / mi pare di non averlo toccato mai’. / ‘Chi può dire di aver mai / toccato quello accanto a cui passa ?’ »4.