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Itinéraire de Jean Bricard (suite)
Jean-Yves Petiteau1 avec la collaboration de Sandrine Bridier2

 

 

«La pensée est l’être en tant qu’il pèse sur ses bords… 3»

 

Ma rencontre avec Jean-Marie Straub et Danièle Huillet n’est pas préméditée, c’était une rencontre espérée, imprévisible.

 

«  Précisément, c’est le signe qui fait l’objet d’une rencontre, c’est lui qui exerce sur nous cette violence. C’est le hasard de la rencontre qui garantit la nécessité de ce qui est pensé. »4

C’est en assistant à une rétrospective de leur œuvre au cinématographe à Nantes, qu’un film, plus que les autres, m’a surpris. « Trop tôt/trop tard ». Ce film traitait entre autres de la lutte des classes en Égypte de 1945 à 1968,) La charrette d’un paysan avance sur une route de campagne, très lentement. Ce qui m’a fasciné, c’est que l’apparition de cette personne est issue du temps long d’un plan fixe.

La caméra ne bouge pas, elle attend. Le cadrage est immobile et un paysan traverse de part en part l’espace délimité par le cadre, comme s’il traversait un tableau.

Il finit par émerger du contexte comme une force qui semble lui appartenir dans le mouvement. Il part du sol où il est inscrit comme un fragment banal. Au loin, il paraît équivalent au bœuf, à la bête, au char ; et dans ce parcours extrêmement lent, il émerge avec la dignité d’un homme.

C’est cette progression qui m’a surpris, parce que cet homme qui ne détient pas une position sociale reconnue devient la personne essentielle ; celle qui porte le mystère du lieu.

Un tel mouvement «héroïque», traverse toute « distinction préétablie».

Cette émotion m’a encouragé à interroger Danièle Huillet et Jean-Marie Straub sur le sens de ce mouvement capable de faire surgir une telle présence.