fermer le pop-up
Jean-Yves Petiteau

À la sortie du cinéma, j’ai évoqué ce qui dans ce film, en provoquant une émotion particulière, interrogeait mon engagement dans la recherche.

Soit le travail d’écoute où le sens et la présence de celui qui parle ne se révèlent que dans la dynamique de la lenteur.

Jean-Marie Straub et Danièle Huillet ont accepté mon invitation, au bord de la Loire.

Ma démarche: «La méthode des itinéraires» repose sur cette hypothèse :

La personne qui accepte de mettre en scène « sa mémoire au présent » et de me guider dans un récit qu’il énonce au fil d’un parcours dont il est auteur à part entière, prend le temps, lorsqu’il peut reconnaître dans la relation et l’écoute un rapport de confiance, de dépasser tous les registres d’analyse ou d’interprétation préétablie d’un sens.

Sa parole construit dans sa chronologie, un récit unique, qui dans son énoncé ou dans ses références, dépasse ou rend obsolètes les repères qui d’ordinaire le mettent en interprétation ou en comparaison.

 

Je demande à celui qui parle de m’emmener en marchant, de construire un parcours qui jalonne sa parole. Et c’est dans cette lenteur et dans ce déplacement lent d’un corps qui m’emmène et porte sa parole que celui qui parle, convoque et ré agence les références et contextes qu’il jalonne, dans l’enchaînement d’un récit dont il est seul l’auteur.

 

Le projet est politique.

Car reconnaître le caractère unique du récit de celui qui le porte, le fait échapper au simple rôle de témoin. Celui qui invente la mise en scène du récit qu’il compose devient analyste de la société qu’il côtoie quelle que soit sa reconnaissance sociale ou culturelle reconnue au préalable.

S’il peut lentement construire un récit dans sa logique propre, incomparable, il ne peut être interrompu ou trahi, par aucun événement particulier ni par aucune anecdote.

L’écoute de ce récit est une attente ou un appel parce qu’au-delà du sens objectif, cette parole construit, en écho, poétiquement, un style, comme une symphonie. Les articulations, le silence, les manières de parler l’emportent sur toutes compréhensions conceptuelles immédiates.

Ce que l’on écoute traverse le sens. Et c’est cette traversée qui fait sens et fait reconnaître celui qui parle.

J’ai communiqué à Jean-Marie Straub et Danièle Huillet les itinéraires déjà réalisés avec des artistes, des dockers…