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Benoît Turquety
Encore : « Question : Quand un homme parle, il ne le fait pas pour lui-même ; du moment qu’il veut dire quelque chose, il veut le faire pour quelqu’un, avec quelqu’un, dans la forme la plus accessible.
 

Straub : Mais pas pour nous exprimer. Je dois déjà vous interrompre, parce que je n’ai rien à dire personnellement. J’essaie d’exprimer, de communiquer certaines réactions ou certains faits, ou une rage ou une tristesse, c’est tout, mais je n’ai aucune idée à exprimer. Pasolini a des idées à exprimer parce que c’est un cinéaste de sujets.

 

Question : Vous proposez déjà votre langage, même si vous communiquez quelque chose qui ne vous est pas personnel.

 

Straub : Oui… Non, j’essaie de proposer ces sujets aux gens, c’est-à-dire de ne pas mettre au commencement mes sentiments ou ma rage ou ma tristesse, mais en les éliminant, afin que, en proposant aux gens la chose d’une manière nue, les gens aient, ressentent la même rage que moi, avant, quand j’ai découvert la chose. Tout cela donc sans communiquer d’abord mes sentiments ou ma rage ou ma tristesse. La chose qui me met en colère [dans certains films de Kluge ou de Godard], c’est l’intervention, ce brechtisme de patronage que l’on fait aujourd’hui. Cela consiste justement à communiquer ses propres réactions en même temps que la chose que l’on met devant les gens.10 »

 

Encore : « Quel est le thème de [Chronique d’Anna Magdalena] Bach ? Il n’y en a pas, il y a un sujet où tous les thèmes ont été éliminés ; c’est cela qui en fait un film marxiste. Un film avec des thème ne peut pas être un film marxiste, parce qu’il est anti-dialectique.11 »

 

Encore : « Question : Mais il y a toujours les “lunettes” de l’interprétation personnelle…

 

D. Huillet : Non, si on est “frappé de stupeur”. […]