fermer le pop-up
Jean-Marie Straub, Danièle Huillet

Le banquier de Brecht dans les Affaires de M. Jules César, c’est le mec qui dit : « zum Volk muss man Volkstümlich sprechen… » (au peuple – au folk – il faut parler folk-loriquement). Et Brecht dira plus tard : « Ich bin nicht tümlich, sagt das Volk » (Je ne suis pas “lorique” dit le “folk” /“[popu]laire” dit le “peuple”). 

Il faut au contraire traiter les gens comme des adultes et les aider à voir et à entendre, car il n’y a que quand leurs sens sont aiguisés que leur conscience se développe. Au contraire toute la société contemporaine travaille à la restriction, au malthusianisme, au saccage des sentiments. L’histoire des paysans, c’est la même chose. La bourgeoisie quand elle était naissante, qu’a-t-elle fait ? Les guerres de paysans. La dernière en date s’est d’ailleurs terminée avec la complicité de la Maison de Lorraine, alors l’une des plus grandes provinces françaises. Ceux de l’autre côté du Rhin ont eu besoin de son aide pour massacrer les paysans alsaciens. Ensuite on a inventé l’industrialisation, la culture intensive, les engrais et le reste. De quoi s’agit-il dans tout ça ? de liquider la paysannerie. Entretemps la bourgeoisie a pris le pouvoir en 1789 et maintenant on cherche à éliminer ce qui reste de paysans avec des réglements, des normes européennes.

Alors un grand film politique serait aussi un film qui donne non pas des statistiques — car il ne faut pas tomber dans le travers qui nous vient d’Outre-Atlantique — mais des chiffres. Dans Fury, il y a des chiffres : tant de lynchages par semaine depuis tant de temps. Dans Trop tôt / trop tard, il y a des chiffres : un tiers de la population de tel village est incapable de survivre… Ce sont des chiffres qui proviennent des cahiers de doléance que cite Engels.

 

Cependant dans la dispute entre Eisler et Schönberg, le premier pose la question de l’adresse, du destinataire par rapport à une musique de laboratoire. Il choisit de diriger des chœurs ouvriers, composer de la musique de scène, de film, de chansons…

 

JMS : Eisler ne s’est pas posé ces questions-là, il savait bien, il le dit dans ses entretiens avec Bunge, que sa musique était mise sous le boisseau de l’autre côté du mur. Il a eu la chance de vivre dans une autre société, mais il lui est arrivé pour des raisons idéologiques ce qui arrivait à Schönberg pour des raisons moins ouvertement idéologiques.