fermer le pop-up
Hélène Raymond

Le roman de Heinrich Böll Les deux Sacrements1, dont Non réconciliés, ou seule la violence aide là où la violence règne est l’adaptation, présente le destin de trois générations d’architectes. Le père, Heinrich Faehmel (il s’appelle David dans le film), qui fête ses 80 ans en 1958, se souvient de son premier engagement, pour la construction de l’abbaye de st Antoine, juste avant la Première Guerre mondiale. Son fils Robert, spécialiste de statique, a préparé sous les ordres d’un général obsédé par les « champs de tir », le dynamitage de cette abbaye pendant la Deuxième Guerre mondiale. Son petit fils enfin, Joseph, débute dans le présent du roman sa carrière d’architecte par la reconstruction de la même abbaye en suivant les plans originaux, mais il interrompt son travail après avoir découvert le rôle joué par son père dans la destruction du bâtiment2. On peut mettre en relation ce mouvement de construction / destruction qui traverse le récit avec la démarche des cinéastes qui, d’une certaine façon, détruisent le livre pour construire le film. Construction / destruction dans le récit, destruction / construction dans le travail cinématographique, le film produit par rapport au texte une image en miroir qui n’est pas “à l’identique”, mais inversée et “réfléchissante”.
 

Non réconciliés se situe à la place constituée dans le roman par les personnages de Joseph et de sa grand-mère, Johanna Faehmel. Eux-mêmes ont une position réfléchissante à l’égard de l’histoire dans laquelle ils sont pris. Joseph parce qu’il intervient seulement à la fin du récit, et Johanna parce qu’elle provoque, à la fin du récit également, une irruption du passé dans le présent. Tous deux introduisent dans le roman la question de la construction à travers un geste de destruction. En eux, destruction et construction se rejoignent parfaitement parce qu’elles restent à l’état de virtualité. Leur réunion crée une tension qui ne se concrétise pas, mais qui suspend le cours des choses et appelle de cette façon une autre réalité. Le film, construit à partir de ce point de fusion dont il capte l’énergie, fait exister cette autre réalité.