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Hélène Raymond

Ainsi Robert est-il un architecte négatif, dont le geste le plus aboutit est celui d’une destruction que Byg met en relation, d’une part, avec l’impossibilité pour l’Allemagne d’édifier alors les monuments susceptibles d’unifier la nation autour de son histoire, d’autre part, avec le film dont le rapport à la signification est induit par un processus de représentation confronté à la question de la perte13.

 

Le film mis en relation avec l’impossible monument à la mémoire de la destruction est analysé par Byg comme monument. En associant cette proposition à celle de Louis Seguin14 qui souligne l’importance du motif de la porte dans Non réconciliés nous pouvons poursuivre l’étude de ce monument paradoxal. Le motif de la porte s’oppose dans le film à celui de la fenêtre, sauf dans le cas analysé par Louis Seguin de la porte de la serre du jardinier que Johanna ouvre pour y prendre le revolver avec lequel elle projette de tuer Vacano. La porte renvoie dans le film à un espace plié sur lui même qu’elle articule sans l’ouvrir. Elle est un cache organisant la distribution des personnages dans un même espace clos. À plusieurs reprises il arrive qu’un personnage entre, puis sorte, puis entre à nouveau par la même porte, marquant une espèce d’impossibilité à sortir, contrebalancée par la possibilité qu’elle offre de se soustraire au regard et à la présence des autres. La porte maintient intacte la surface du mur car elle ne s’ouvre généralement pas en grand, elle s’entrouvre pour laisser passer le corps puis se referme, un peu comme dans le cinéma de Bresson. Au contraire la fenêtre fait communiquer des espaces différents. Le cas limite de la porte de la serre, qui est comme une immense fenêtre, donne lieu à un plan d’intérieur utilisant une profondeur de champ importante. Cela dissocie avec force l’espace où se tient le regard quand il est limité par la paroi, de l’espace sur lequel ouvre la porte. En plein cadre de face sur toute la longueur de la serre, nous observons par la porte laissée grande ouverte derrière elle, Johanna qui parcourt cette profondeur jusqu’à l’atelier du jardinier situé à l’autre bout. La porte ici n’est pas une pliure de l’espace, mais une ouverture. À la porte de la prison municipale de Cologne d’où sortent Schrella et Nettlinger, qui par la coupure qu’elle opère exclut les deux espaces l’un de l’autre tout en les rendant équivalents, s’oppose le regard à travers la fenêtre qui connecte des espaces différents. Ce regard introduit les séquences de passé dans le récit de David (celles du récit de Robert sont introduites par des fondus enchaînés). Il produit aussi l’espace de la rencontre entre David et Johanna, celui de l’attentat, et le plan final du film, un fondu au blanc provoqué par l’éclat du soleil vers lequel le cadre se fixe, en passant par la fenêtre.