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Noƫlle Pujol

En septembre-octobre 2008, j'ai passée trois semaines à Tirana dans le cadre d'un programme d'échange artistique réunissant cinq artistes albanais, deux artistes allemands, deux artistes français. Par où commencer avec cette ville ? Alors, d'abord, la traverser en voiture, en taxi, l'arpenter à pied aussi, entrer de front dans l'impossible circulation. C'est une ville qui commence dangereusement, une expérience de l'accélération où les rythmes et les vitesses se mélangent. Comment se repérer ? Une idée de départ, une idée d'avant le voyage : faire un détour par la figure animale pour accéder à l'Histoire de l'Albanie. Quels animaux ? Ceux que j'ai rencontrés et pris en photo à l'épreuve de la rue, ce « trottoir roulant » dont parlait Marcel Proust. Et ceux, également, appartenant à la collection des animaux naturalisés du Muséum d'histoire naturelle de Tirana que j'ai choisi de filmer avec une caméra vidéo. Pourquoi deux outils, deux régimes d'images, à deux endroits différents de la ville ? Faire l'expérience de la rue, c'est enchaîner les micro-évènements, trouver les pièces à conviction en images fixes pour tenter d'y extirper une mémoire. Au musée, avec les animaux empaillés, immobiles, il s'agissait avec la vidéo de retrouver une dimension temporelle de la fixité. Qu'est ce qu'on voit en continu et qu'on ne voit pas à l'arrêt ? Passer de la rue au musée avec pour figure privilégiée l'animal, c'est passer d'un régime d'images à un autre. C'est questionner la relation étroite entre les images fixes et les images en mouvement animées. Ici l'animal est non seulement une figure de transition entre l'humain et l'inhumain, le vivant et l'inerte. Il est aussi porteur d'indices, de directions, d'un régime esthétique des arts où le processus d'hétérogénéité contient une secrète dimension politique.

 

Je commence par une citation du livre de Jean Rolin publié en 2006 aux éditions P.O.L. sous le titre L'homme qui a vu l'ours. L'un des articles s'intitule « Reportage dans le huit clos albanais », il fut rédigé en 1990 et s'ouvre sur « Les loups et les taupes ». « S'il existe un plan de Tirana, on a oublié de nous le signaler. Quoi qu'il en soit, on chercherait en vain un tel plan dans le guide de la ville et de ses environs publié en 1986 par les éditions 8 Nëntori, où l'on trouve, en revanche, quantité de renseignements de premier ordre, parmi lesquels nos préférences personnelles vont à celui-ci, qui concerne la faune du district de Tirana. " Les animaux qu'on y rencontre, selon les zones de végétation, sont les suivants : le lièvre, le sanglier, le renard, la martre, la loutre, le putois, la belette, la taupe, le loup, le chamois et le chevreuil. "

Capitale dont l'arrière pays est peuplé pour une part de taupes et de loups, Tirana, par bonheur, dispose également d'un centre, la place Skandeberg… »1