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Noƫlle Pujol

A proximité de la place Skandeberg se trouve le Musée Historique National de l'Albanie encore appelé « Le pays des aigles ». A l'entrée du monument, je découvre une présence animale. Deux chiens errants endormis sont couchés sous une série de courts bas-relief ornés de motifs abstraits et historiques représentés par l'étoile à cinq branches, symbole du communisme et du socialisme. A l'extrême gauche du bâtiment, un groupe de vieilles femmes s'est aussi posé là. Elles sont postées tout près de la longue frise représentant entre deux étoiles les dates 1941-1944, avec en son centre le motif d'un aigle bicéphale incarnant le sceau de Georges Kastriot Skandeberg, un albanais qui mena la révolte contre l'occupation ottomane au cours du XVième siècle.

 

Femmes entre-elles et animaux s'approprient un espace public dont ils font leur territoire. Ils partagent une surface de contact commune faite de marbre et de dalles de pierre. L'étroite relation entre la matérialité de la peau des chiens et de l'architecture donne de la texture et de la surface sur le support photographique.

Autres prises de vue extérieures, autres membres d'une société animale interlope rencontrés dans la ville, celles de mystérieuses peluches suspendues devant les chantiers. Au cours de ma déambulation, je retiens l'image d'un lapin pendu par les oreilles devant « un rideau de fer ». Je retrouve cet arrière-plan strié de larges bandes horizontales tout près d'un enfant à la joue incisée et d'une femme photographiée de dos dont une mèche de cheveux laisse percevoir une partie de son crâne.

 

Le Muséum d'histoire naturelle de la Rruga Kavajës.

 

Aller à la rencontre de la collection d'animaux du Muséum d'histoire naturelle de Tirana et les filmer. J'y ai découvert un lieu déconnecté, suspendu, mais bien réel pour ceux qui peuvent l'approcher. Le lieu existe, mais c'est un espace ignoré, oublié, préposé à une activité de recherche scientifique et universitaire. Le Muséum fut construit en 1948 et associé à l'université des sciences en 1996. Il regroupe une collection d'animaux naturalisés, de plantes et de minéraux représentant le patrimoine naturel de l'Albanie. Aujourd'hui, en raison d'un conflit foncier, le musée est en état de dégradation permanente. Il ressemble à un bateau qui fait naufrage. Un taxidermiste travaille encore dans son laboratoire. Il continue de porter l'irréalité du lieu de son atelier jusqu'aux salles obscures occupées par la communauté des animaux naturalisés.