fermer le pop-up
Mathias Lavin

Le terme « éphémère » s’impose puisque l’exposition Cézanne ainsi composée n’a d’existence que dans ces deux films singuliers, grâce aux rapports tissés entre les différentes représentations. Par la même occasion, ils renvoient sur un mode mineur à l’idée d’un musée imaginaire du cinéma, non pas au sens de Godard et des ses monumentales Histoire(s), mais dans un commun dispositif de visibilité des œuvres. Une visite au Louvre et Cézanne plus encore indiquent d’ailleurs l’importance du musée comme lieu de formation pour une œuvre aussi référentielle que celle des Straub, dont la sensibilité s’est affinée dans la fréquentation des cinémathèques.

 

La forme de la visite, même si elle appelle la reprise comme je l’ai dit en commençant, suppose un terme et un retour à la réalité. La visite de cette fictive exposition Cézanne organisée par Straub et Huillet, comme celle du Louvre avec Cézanne en conférencier, indique le lien entre le musée et ce qui l’environne. Là encore, une légère nuance entre les deux films rend leur comparaison éclairante. Cézanne reste dans la proximité des œuvres, quel que soit leur médium, ce qui rend son dernier plan singulier. Celui-ci montre une façade parisienne ouvrant sur une cour dont l’accès est barré par une grille imposante, tandis que, à l’instar du premier plan sur Aix-en-Provence, on entend le bruit de la circulation automobile. Aucune information n’est donnée sur le bâtiment (la voix d’ailleurs s’est tue) qui montre en fait la Villa des arts, rue Hégésippe-Moreau, où Cézanne travailla un temps. Comme dans Othon, où le plan initial se terminait par un zoom avant sur une ancienne cache d’armes des partisans italiens, il faut un hors-texte pour comprendre le contexte désigné à l’écran. Ce choix ultime demeure surprenant non seulement parce qu’il témoigne du retour inopiné d’une donnée biographique absente du reste du film, mais surtout car cette convocation d’un savoir extérieur semble démentir la leçon de Cézanne, faite d’une relation attentive au monde éclairée par la médiation de l’art mais sans présence de la moindre érudition. Serait-ce un cartel qui manquerait alors au spectateur dépourvu de conférencier ? Nous ressentons ainsi l’absence de la voix qui nous accompagnait pendant le reste du film : la visite est finie, il faut retrouver le bruit effrayant du monde.

Au contraire, le paysage servant de dernier plan à la Visite au Louvre désigne un lieu presque utopique, comme l’indice de la possibilité d’un rapport harmonieux au monde. Il s’agit d’un plan d’Ouvriers, paysans mais dont la valeur de citation ne semble pas fondamentale puisqu’il n’a pas valeur de commentaire ou de manifeste comme pouvaient l’être les fragments d’Empédocle dans Cézanne. Ce plan est comparable au plan introductif du film montrant la façade du musée, et au plan sur la Seine qui ponctue la visite.