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Glauber Rocha et les Straub : dialogues de Rome1
Mateus Araujo Silva2

à Annie-Claire, pour chaque jour

 

 

Comment mesurer l'apport des Straub au cinéma moderne? La manière la plus directe serait de déterminer en quoi, dans les voies qu'ils se sont frayées, leurs films ont permis au cinéma de voir, d'entendre, d'interroger et de dire le monde plus et mieux qu'auparavant. La tâche serait lourde, mais pas oisive. Une autre manière d'approcher leur héritage, et d'envisager les effets de leur travail sur le cinéma le plus exigeant serait de repérer le dialogue et les réactions suscités par leurs films dans ceux de leurs collègues. Non moins que le premier, ce dossier reste aussi à établir.

 

Dans un essai récent sur Pedro Costa3, j'ai risqué une hypothèse paradoxale, encore à vérifier, selon laquelle les cinéastes portugais formeraient, en Europe, le groupe dont le travail aura été le plus marqué par le cinéma des Straub - qui n'ont pourtant jamais tourné au Portugal et y restent moins montrés que dans les trois pays où ils ont travaillé (Allemagne, Italie et France). En effet, le dialogue du meilleur cinéma portugais moderne avec les Straub a laissé des traces, depuis les années 70, dans les films de cinéastes si divers que António Reis & Margarida Cordeiro, João César Monteiro4, Manoel de Oliveira (surtout dans Amor de perdição, de 1978, mais pas seulement)5, João Botelho (dans Tempos Difíceis, de 1988) et Alberto Seixas Santos (dans Gestos e fragmentos, de 1980-82)6. Au tournant du millénaire, Pedro Costa le reprend à nouveaux frais et l'amène à son point culminant dans une série de films remarquables qui remonte à Dans la chambre de Vanda (2000), passe par son épisode sur les Straub de 2001 pour la série "Cinéastes de notre temps", devenu peu après Où gît votre sourire enfoui?, et débouche sur ses deux derniers films en date, le long En avant jeunesse (2004) et le court Tarrafal (2007).